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Interviews

Dis-moi comment tu te prénommes et je te lirai qui tu es

Co-créatrice de l'appli UntexteUnjour, et prof de lettres, Sarah Sauquet vient de publier aux éditions Le Robert, un dictionnaire des prénoms de héros et d’héroïnes.

Nous avions eu la joie de rencontrer Sarah à l'occasion de la sortie de son premier ouvrage, La première fois que Bérénice vit Aurélien, elle le trouva franchement con.  

Nous sommes retournés la voir pour ce nouvel ouvrage.... 

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Sarah, comment est venue l’idée du livre ?

L’idée de ce livre est presqu’aussi vieille que moi !

J’aime les gens, j’aime les mots, et je me suis toujours intéressée aux prénoms.

Quand on y pense, le prénom est la toute première information que l’on apprend de quelqu’un, et je trouve que le prénom peut dire beaucoup de choses d’une personne, ou en tout cas de ceux qui le choisissent.

Je me suis donc très tôt intéressée aux prénoms littéraires, aux prénoms que portent les héros de papier ainsi qu’à leurs significations.

Je suis ainsi capable d’oublier les intrigues secondaires d’un roman, mais de me souvenir des prénoms de tous les personnages et de m’interroger des heures durant sur les raisons pour lesquelles un écrivain choisit un prénom plutôt qu’un autre !

Au fil des années et de mes lectures, j’ai mémorisé quantité de prénoms littéraires, et ai souvent vérifié que les héros qui portaient le même prénom avaient de très nombreux points communs, parfois à plusieurs siècles d’écart.

Très étonnée qu’aucun dictionnaire ne se soit penché sur le sujet, j’ai tout fait pouvoir donner corps à ce projet, et il m’aura fallu plusieurs années pour trouver un éditeur acceptant de me suivre dans cette aventure. J’en suis infiniment reconnaissante aux éditions du Robert.

Comment as-tu choisi les prénoms ? 

L’ouvrage comporte 244 prénoms (122 masculins, 122 littéraires) et j’ai constitué trois grandes listes.

J’ai d’abord fait une première liste de prénoms éminemment littéraires, tels que « Ulysse », « Anna », « Manon », Edmond » ou « Iseult », que nous ne pouvions pas ne pas faire figurer.

J’ai ensuite fait une deuxième liste en m’attachant aux prénoms les plus donnés en 2017, tels que « Jade », « Hugo », « Jules » ou « Lucas » puisque nous souhaitions que ce dictionnaire puisse s’adresser aux parents d’aujourd’hui.

J’ai enfin constitué une troisième liste plus subjective, constituée de personnages ou d’œuvres que je souhaitais faire découvrir, tels que Pélagie-la-Charrette d’Antonine Maillet ou Les Cavaliers de Kessel.

Comme je souhaitais que les prénoms sélectionnés incarnent une diversité culturelle, j’ai cherché parmi la littérature francophone et mondiale et des œuvres littéraires de 20 pays sont abordés…  Je souhaitais également conférer une étoffe littéraire à certains prénoms qui ne sont plus donnés, mais que j’aime beaucoup, tels que « Raoul », ou « Evariste ». 

Il y a plusieurs Sarah dans la littérature. Avec quelle héroïne qui porte ton nom te sens tu le plus en accord ? 

Il m’est difficile de répondre à cette question. J’ai une immense affection pour la Sarah des Poneys sauvages, de Michel Déon, mais lorsque j’ai lu Elle s’appelait Sarah, de Tatiana de Rosnay, j’ai eu l’impression de rencontrer l’héroïne qui correspondait exactement à l’idée que je pouvais me faire d’une Sarah.

J’aime à penser que je ressemble un peu à Sarah Starzynski, mais surtout, Sarah Starzynski m’a rendue fière de mon prénom.

À mon sens, il faut lire Elle s’appelait Sarah quand on s’appelle Sarah, comme il faut lire La Gloire de l’empire de Jean d’Ormesson, quand on s’appelle Alexis.

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Crédit @Scander Aidoudi

Tu évoques ta recherche de prénom pour ton enfant ; peux tu nous confier le prénom que tu as choisi finalement ? Est ce lié à son histoire littéraire ?

Ma fille s’appelle Héloïse, et dès le début de ma grossesse l’idée d’un prénom littéraire s’est rapidement imposée.

Comme mon mari est Corse, nous avons longtemps pensé au prénom « Vannina », en hommage à Vannina d’Ornano, très importante dans l’histoire de la Corse. Je ne voulais pas d’un prénom trop classique, et cela fonctionnait puisque Stendhal a écrit Vanina Vanini et que je suis une inconditionnelle de la chanson de Dave. Néanmoins, j’ai vite réalisé que la nouvelle de Stendhal ne me plaisait pas beaucoup, et que nous n’étions pas parfaitement à l’aise avec cette idée.

Nous avons repris notre dictionnaire des prénoms et sommes tombés sur « Héloïse » auquel nous n’avions jamais pensé mais qui sonnait particulièrement bien avec le nom de famille de mon enfant. C’est en relisant tous deux les lettres d’Héloïse et d’Abélard que nous avons su que ce prénom était le bon, mais un ouvrage comme celui que j’ai écrit nous aurait beaucoup aidés !

Quel prénom as-tu redécouvert au cours de ce travail  ?

J’en ai redécouvert beaucoup, comme « Hortense » (l’héroïne du Petit Maître-corrigé de Marivaux), ou « Isidore » (le héros des Affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau), pour ne citer qu’eux, mais, ce qui est très intéressant, c’est de voir combien la littérature peut déjouer nos représentations.

Par exemple, j’imaginais les « Aurore » de la littérature comme des héroïnes nécessairement fragiles et délicates, à l’image de la princesse Aurore dans La Belle au Bois Dormant de Walt Disney. En lisant Koenigsmark de Pierre Benoit, j’ai découvert une Aurore combative et charismatique au possible. Son patronyme, Aurore de Lautenbourg-Detmold, est en lui-même un poème !

Pour quel prénom as-tu une tendresse particulière ?

Je suis tombée amoureuse du prénom « Natacha », et de Natacha Rostov. Mutine, attachante, et purement adorable, Natacha Rostov est un personnage que l’on ne peut qu’aimer.

Quel prénom trouves-tu injustement traité par la littérature ?

Sans hésiter, « Julie »

Qu’il s’agisse de Julie Karaguine dans Guerre et Paix, de Mademoiselle Julie de Strindberg, de La femme de trente ans de Balzac, ou de La Nouvelle Héloïse de Rousseau, les « Julie » sont souvent malmenées par la vie, et selon moi peu attachantes.

C’est un des prénoms qui m’a donné le plus de fil à retordre car il me fallait comprendre, rentrer en empathie et rendre sympathiques des héroïnes qui selon moi ne l’étaient pas toujours.

Quel prénom n’a pas encore son héros / héroïne de roman ? 

Les Matthieu sont les grands absents de la littérature, pour une raison que je ne parviens pas à m’expliquer.

Et le roman devrait du coup raconter quelle histoire ?

Une histoire faussement classique, l’histoire d’un jeune homme sage à qui il arriverait des aventures singulières… Ce Matthieu, je me l’imagine un peu comme Jean Arnaud, le héros des Vingt ans du jeune homme vert de Michel Déon.

Tu évoques certains personnages qui n’ont pas de prénom comme Mme Thénardier. Quel devrait être son prénom selon toi ?

Sans une once d’hésitation, je dirais « Virginie ». J’imagine bien un prénom délicat, très féminin, pour une héroïne autrefois très séductrice, qui aurait mal tourné en ayant joué de malchance, trop joué de ses charmes et fait les mauvais choix.

Tes 3 prénoms d’héroïnes préférées ? 

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Et 3 prénoms de héros ?

Merci Sarah ! 

Un dictionnaire des prénoms, une anthologie de héros et d'héroïnes, un florilège de citations, une mine d'or d'idées de lectures.. bref le livre à avoir chez soi et à feuilleter au gré de ses envies, de ses besoins. 

Retrouvez notre 1re interview de Sarah ici

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